livre « Dans l'intimité du sultan: Au Maroc - Gabriel Veyre » en ligne au format pdf
Informations sur le livre
Titre : Dans l'intimité du sultan : au Maroc
Auteur : Veyre, Gabriel (1871-1936)
Éditeur : Librairie universelle (Paris)
Date d'édition : 1905
Format du livre : PDFelement (programmes suggérés nitro pro, pdf expert)
Extrait du livre
"Mouley Abd el Aziz, auprès de qui les hasards d'une destinéo aventureuse m'avaient appelé à vivre, était le cinquième des six fils du sultan Mouley Hassan. Sa mère, Lalla Rekia, était une Circassienne qui cut la réputation d'être fort belle et dont le sultan Hassan, dans les dernières années de sa vie, était passionnément amoureux. Aussi, quand elle lui donna ce fils, le premier qu'il eût d'elle, il voulut qu'on nommåt l'enfant Abd el Aziz: le Fils de l'Esclave chérie
La succession au trône du Maroc ne s'effectue pas nécessairement par ordre de primogéniture: ni la loi du Prophète, ni les coutumes ne l'exigent. Le Sultan désigne lui-même, avant de mourir, son successeur, et la seule condition qui lui soit imposée, la scule restriction apportée à son choix, c'est que son héritier doit être un Chérif, c'est-à- dire un descendant authentique du Prophète. Cette condition remplie, l'empire est à celui auquel il 'a donné la baracca, la suprême bénédiction
Mouley Hassan eût-il, quelque ascendant qu'exerçât sur lui Lalla Rekia, mère du jeune prince, choisi Abd el Aziz de préférence à tous ses autres fils? Qui le pourrait savoir?
Le Sultan guerroyait, en 1894, contre une tribu révoltée, incident assez banal au Maroc, quand le surprit brusquement un mal qui allait le ter- rasser en quelques heures. Comme il est d'usage, son gouvernement tout entier, le Makhzen, le sui- vait dans son expédition
Or, son grand vizir, Ba Hamed, était un homme à l'ambition active et jamais repue, et si prêt à tout pour la satisfaire qu'on ne sait trop guère, quand un accident complice le touche de si près, où doit s'arrêter le soupçon. Le moins qu'on puisse dire, c'est que dovant cette mort brutale, sa première, son unique pensée fut de profiter de l'événement fortuit pour conserver, accroitre encore, s'il en avait le moyen, sous le maître à venir, la puissance déjà considérable dont il jouis- sait depuis longtemps sous le sultan Hassan, peu facile, pourtant, à dominer. Et, en présence du cadavre encore tiède, un plan qui ne manquait pas de quelque allure germa dans son esprit, à supposer qu'il n'y sommeillåt pas déjà: exclure du trône les quatre fils ainés du défunt Empe- reur pour y appeler l'enfant de quatorze ans qu'était alors Abdel Aziz, et ainsi, sous son nom, régner, en fait, paisiblement jusqu'à sa majorité, à tout le moins
Toutefois, la soudaineté même de la disparition de Hassan semble avoir pris Ba Hamed un peu au dépourvu
Il apporta à corriger cette erreur du sort, si c'en était une, et non pas une habileté raffinée, une vigueur de décision, une rapidité d'action qui légitimaient, en quelque sorte, le succès do son intrigue
Abd el Aziz était à Rabbat lorsque son pèro rendit le dernier souffle. Il s'agissait de garder cette mort assez longtemps secrète pour per- mettre au jeune prince, qu'on était allé quérir en toute hate, d'accourir avant que le fatal dénoù- ment fût connu; il fallait tenir en haleine lo camp, où le bruit de la maladie du Sultan s'était répandu déjà, jusqu'au moment où l'enfant serait arrivé, et rendre ainsi vraisemblable, enfin, la version que le Sultan lui-même, se sentant près de sa fin, avait envoyé chercher son fils de prédi- lection pour recevoir sa baracca. Machiavel n'eût pas méprisé cette conception
Mais la réalisation ne laissait pas d'en être dé- licate. Que la vérité transpirât, c'en était fait du plan de Ba Hamed. Une rumeur vague, même, circulant parmi les soldats, pouvait tout compro- mettre. A Fez, aujourd'hui, et j'en eus plus d'une fois l'exemple, il suffit que le Sultan, qu'on a vu l'avant-veille souriant et dispos, soit deux ou trois jours sans paraître pour qu'aussitôt circule le bruit de sa mort. Or, l'armée entière savait que la santé de Mouley Hassan était depuis quelques jours chancelante. La nouvelle en pouvait par- venir prématurément à Fez, où résidait Mouley Mohammed, surnommé le Borgne, fils aîné du feu Sultan et son héritier présomptif, et tout était remis en question
C'est alors que, pour parer à ce danger mena- çant, Ba Ilamed eut recours à un funèbre strata- gème
Au nom de l'Empereur, il convoqua l'armée pour une revuc; mais, prétextant la maladie de Mouley Hassan, il fit annoncer que le Sultan parcourrait en litière le front des troupes."
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